Circulaire du 30 juillet 2003 relative à la mise en oeuvre des retenues sur la rémunération des agents publics de l'Etat en cas de grève

Le droit de grève est constitutionnellement garanti aux agents de l'Etat en vertu du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ce droit doit être concilié avec le principe selon lequel la rémunération constitue la contrepartie du service fait. Dès lors, en l'absence de service fait, notamment en cas de grève, des retenues sur la rémunération des agents doivent être opérées par l'administration.

 

 

La règle dite du trentième indivisible, selon laquelle on ne divise pas le traitement mensuel d'un fonctionnaire de l'Etat par plus de trente, s'applique en cas de service non fait (notamment la grève depuis la loi de finances rectificative du 29 juillet 1961), mais également en cas d'exécution incomplète du service (depuis la loi n° 77-826 du 22 juillet 1977). L'application de cette règle conduit à opérer une retenue d'un trentième sur la rémunération des agents en poste dans les administrations de l'Etat et dans les établissements publics à caractère administratif de l'Etat, en cas d'arrêt de travail intervenu pendant une fraction quelconque de la journée.

La présente circulaire rappelle les modalités d'application de ces retenues afin que toutes les conséquences financières d'une cessation concertée du travail soient tirées en conformité de notre ordonnancement juridique.

1. La phase préparatoire à l'application de la retenue

Il appartient à chaque ministère de mettre en place un système de recensement des agents grévistes afin que des retenues sur rémunération puissent être mises en oeuvre. A cet effet, je vous demande, lorsque des préavis de grève vous sont communiqués, de donner instruction à vos services d'établir la liste des agents ayant cessé le travail. Pour ce faire, vous procéderez par le moyen le plus approprié à votre département ministériel. Les chefs de service pourront, par exemple, procéder à ce recensement de la manière suivante :

- en l'absence d'autres moyens de contrôle, par l'établissement de listes d'émargement manuelles mises en circulation dans les services pour recueillir l'émargement des personnels non grévistes ;

- s'il existe des moyens automatiques d'enregistrement, par les relevés correspondants.

Les personnels qui estimeront avoir été recensés à tort comme grévistes pourront apporter la preuve, par tous moyens à leur disposition, qu'ils ont normalement accompli leur service pendant la durée de la grève (CE, 15 décembre 1967, Kornprobst, Rec. CE, p. 503).

Le recensement devra porter sur la totalité des agents exerçant leurs fonctions au sein du service au cours de la période considérée, quel que soit leur statut (par exemple, présence en administration centrale de personnels des services déconcentrés).

Il est souhaitable que ce recensement des agents grévistes se déroule dans la plus grande transparence possible (caractère accessible de l'information afin que les agents puissent être à même de vérifier individuellement leur éventuelle inscription) et que les mesures de communication relatives aux retenues sur rémunération soient réalisées suffisamment tôt.

2. La mise en oeuvre de la retenue

2.1. Le décompte des jours de grève

Le décompte des jours de grève donnant lieu à retenue sur rémunération repose sur le principe selon lequel les périodes de grèves sont considérées comme un tout.

La jurisprudence administrative a précisé les modalités de mise en oeuvre de ce principe. La décision du Conseil d'Etat du 7 juillet 1978, Omont (Rec. CE, p. 304) retient l'approche suivante du décompte des jours de grève : « en l'absence de service fait pendant plusieurs jours consécutifs, le décompte des retenues à opérer sur le traitement mensuel d'un agent public s'élève à autant de trentièmes qu'il y a de journées comprises du premier jour inclus au dernier jour inclus où cette absence de service fait a été constatée, même si, durant certaines de ces journées, cet agent n'avait, pour quelque cause que ce soit, aucun service à accomplir ».

Le calcul de la retenue peut donc porter sur des jours au cours desquels l'agent n'était pas soumis à des obligations de service (jours fériés, congés, week-ends). Cela s'applique, par exemple, dans le cas d'un week-end, lorsque l'agent a fait grève le vendredi et le lundi, auquel cas la jurisprudence conduit à procéder à la retenue de deux trentièmes à raison du samedi et du dimanche.

Par ailleurs, les jours de grève ne peuvent en aucun cas être considérés comme des jours de congé ou des jours relevant de l'aménagement et de la réduction du temps de travail (ARTT). Il ne saurait donc y avoir compensation des jours de grève par l'octroi de jours de congé.

2.2. La détermination de l'assiette de la retenue

L'assiette de la retenue pour absence de service fait est constituée par l'ensemble de la rémunération qui comprend, pour les fonctionnaires, outre le traitement proprement dit, l'indemnité de résidence ainsi que les primes et indemnités diverses versées aux agents en considération du service qu'ils ont accompli (CE, 11 juillet 1973, Alliaume, Rec. CE, p. 495). Les primes versées annuellement sont également incluses dans l'assiette de calcul de la retenue (CE, 22 mars 1989, ministre de l'économie, des finances et du budget c/Giraud, Rec. CE table, p. 750). D'une manière générale, les primes et indemnités versées selon un rythme autre que le rythme mensuel doivent être ramenées à un équivalent moyen mensuel, sur la base du montant versé à ce titre au cours de l'année précédente, afin de calculer le montant du trentième à retenir.

Sont toutefois exclus de l'assiette de calcul les sommes allouées à titre de remboursement de frais ainsi que les avantages familiaux et prestations sociales, en particulier : supplément familial de traitement, indemnité représentative de logement ou, lorsqu'elles sont versées par l'Etat, prestations familiales.

Les retenues opérées sur la rémunération ne peuvent pas excéder une certaine quotité (cf. annexe 1) fixée par les articles L. 145-2 et R. 145-2 du code du travail dont les dispositions sont applicables aux fonctionnaires civils et militaires depuis la loi du 24 août 1930 (CE, 13 février 1974, ministre de l'économie et des finances c/Perotti, Rec. CE, p. 105).

S'agissant des agents à temps partiel, l'assiette de calcul de la retenue du trentième indivisible correspond à la rémunération de l'agent gréviste proratisée selon les règles fixées par l'article 40 de la loi du 11 janvier 1984.

Sur le plan comptable, l'absence de service fait donne lieu à une retenue - et non, sauf lorsqu'il n'existe pas d'autre manière de procéder, à un ordre de reversement - dont le montant est égal à la fraction du traitement frappé d'indivisibilité (cf. annexe 2).

2.3. Le déclenchement du mécanisme de retenue
Les retenues sur rémunération doivent en principe être opérées au plus tôt. Etant donné cependant qu'il est souvent impossible de les effectuer sur la rémunération du mois au cours duquel la grève a eu lieu, il y a lieu en règle générale de procéder à cette retenue au cours du mois suivant ou, au plus tard, à la fin du deuxième mois qui suit le début du conflit. La retenue est alors calculée sur la base de la rémunération du mois pendant lequel l'agent a fait grève (CE, 11 juillet 1973, Alliaume, Rec. CE, p. 495).

Il pourra, à titre exceptionnel, être procédé à un étalement des retenues dans le temps lorsque la situation particulière d'un agent le rend nécessaire, cet étalement devant être strictement en relation avec cette situation. En tout état de cause, l'étalement est de droit lorsqu'est en cause le respect de la règle de la quotité disponible.

3. Contestation éventuelle des retenues

Les retenues sur rémunération pour faits de grève ne constituent pas une sanction disciplinaire et sont donc opérées sans qu'il soit nécessaire de respecter la procédure correspondante.

Ainsi, la retenue n'a pas à être précédée de la communication du dossier, du respect des droits de la défense ou d'un avertissement.

Par ailleurs, si la retenue a été effectuée à tort, l'agent a droit au remboursement des sommes irrégulièrement perçues ainsi qu'au versement d'intérêts moratoires.

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Afin de pouvoir en rendre compte au Gouvernement, je souhaite que vous m'adressiez, chaque année, au 31 décembre, un bref bilan (cf. annexe 3) des modalités de mise en oeuvre des mesures de retenue sur rémunération au sein de votre ministère, tant pour l'administration centrale que pour les services déconcentrés.

Par ailleurs, je vous invite à me faire connaître toutes difficultés que vos services pourraient rencontrer dans l'application de la présente circulaire.